Mai 2020

 

C'est réaliser que tout se mérite : la confiance, et l'échange. Elle nous accueille à coté de sa mère avec un regard vif qui en dit long : que me veulent-ils ? Elle côtoie depuis sa naissance l'homme mais en compagnie de sa mère. Aujourd'hui, ce sera un peu différent car ce sera un dialogue entre elle et Alain.


Ce premier échange va permettre de déterminer son caractère, son mode de fonctionnement. C'est donc Alain qui commence la séance dans le box, avec Maman Taisa tenue en longe à l'intérieur par Olivier. Alain va isoler la pouliche au fond du box afin qu'elle ne vienne pas se coller contre sa mère. Comme elle est déjà très puissante, il faut rapidement lui faire comprendre qu'on est aussi fort qu'elle. C'est du corps à corps, c'est physique. Lorsque la pouliche 
essaie de faire le forcing afin de rejoindre sa mère, Alain pose les mains sur son flanc et la repousse fortement, et cela à chaque fois qu'elle se rapproche de lui. Si la pouliche ne sent pas que l'homme en face d'elle est plus fort qu'elle, lorsqu'elle grandira et gagnera en puissance, elle nous débordera et la contrer deviendra compliqué.


Elle va naviguer au fond du box pendant un certain temps, en même temps qu'Alain, qui l'empêche de passer. Puis elle comprend que sa zone de confort est lorsqu'elle reste calme et immobile, avec Alain non loin d'elle.

La deuxième étape consiste à lui mettre le licol. Neïssa a déjà compris plusieurs choses : rester calme sans bouger, ne pas forcer le passage, et qu'Alain est seul aux commandes. Il s'approche doucement, en grattant son encolure, en parlant pour apaiser, son bras gauche qui tient le licol passe sous son encolure. La pouliche se défend en avançant et reculant mais reste calme. Petit à petit, Alain remonte le bras qui tient le licol pour tenter de l'attacher sans mettre la muserolle, de façon à garder les bras et le licol en collier autour de l'encolure.


Tout ce fait en douceur, la pouliche est attentive. Et puis, lorsqu'elle se détend un peu plus, Alain lui passe le licol, l'attache et le lui détache. Il laisse passer quelques minutes et refait la même manipulation. la pouliche se laisse faire, elle comprend très vite.

Ce sera au tour d'Olivier qui fera l'exercice avec succès. Les ingrédients sont toujours les mêmes : savoir ce qu'on veut lui demander et être clair dans la proposition faite, rester calme et être présent avec son corps, et sa voix. 

Deux semaines, plus tard, nouvelle séance pour Neïssa qui a pris de l'assurance. Cette fois, l'exercice va consister à lui mettre le licol, en rajoutant la longe. Cette fois, c'est la condition de référent qu'elle va devoir assimiler : être capable d'accepter d'être tenue en longe, de rester immobile, de venir à nous lorsqu'on la sollicite.
Alain, avec son œil de professionnel, nous annonce avec un regard en coin, que cela va être "rigolo"... Effectivement, Neïssa est une sacrée rigolote !


Maman Taisa a d'abord été sortie du box mais en restant devant la porte et nous avons commencé la séance. La mise du licol a été faite sans problème, la pouliche est restée très sympa.
Quand Alain met la longe pour qu'elle vienne vers lui, la tension et le geste de la main qui l'incite à venir à lui, indiquent qu'elle doit se rapprocher.
Volontairement, il insiste pour qu'elle vienne à sa demande mais la pouliche n'est pas vraiment d'accord et nous le montre en se cabrant. Chaque fois, qu'elle retombe sur ses antérieurs, Alain la sollicite en remettant de la tension sur la longe et la rappelle à lui.


Le petit manège dure plusieurs minutes, Alain lui demande de venir vers lui, Neïssa se cabre. Imperturbable, il sait qu'elle va trouver la solution et la laisse faire. Effectivement, au 
bout de sa réflexion, elle ne se cabre plus et regarde autour d'elle. Maintenant, elle accepte la demande lorsque la longe se tend, et stoppe lorsque Alain s'arrête. Face à elle, un tour à droite, elle suit, un tour à gauche, elle suit, un arrêt, elle stoppe. Cela paraît tellement simple. C'est étonnant de voir à quelle vitesse la pouliche comprend et s'adapte à une nouvelle situation. Olivier et moi-même feront le même exercice avec succès, c'est du bonheur.

Même, si à chaque nouvelle séance, j'ai eu un peu d'appréhension, je m'aperçois que tout est une question de décision personnelle. Mais, évidemment, je peux réussir parce que je suis en confiance grâce aux conseils avisés d'Alain, qui sait.


La rencontre de Neïssa me pose plusieurs questions car j'ai vécu cette situation d'apprentissage avec Karsten et Jéleena. Ces trois poulains appartiennent aux mêmes propriétaires, sont élevés avec le même amour, mais sont très différents. Autant de caractères que de chevaux, autant d'approches pour les éduquer. Il n'y a pas de règles, oui plutôt, il n'y a qu'une seule règle : observer et adapter son comportement. Ne pas en être conscient, pourrait laisser penser qu'on ne sait pas les comprendre au risque de"rater" leur éducation avec les conséquences importantes qui en résultent plus tard.

Tout ce que j'ai appris en tant que cavalière doit être remis en question. Monter à cheval et tenir sans tomber paraît presque simple car technique : une bonne assiette, des jambes, des mains bien positionnées. J'ai appris comme beaucoup à rester sur un cheval mais je n'ai pas appris ce qui se passe dans sa tête.

Apprendre à faire évoluer un cheval en n'ayant pas à tendre la longe, car durant son éducation la tension signifie inconfort, c'est contraire à ce que je savais.
Savoir que se placer face à lui n'est pas une menace mais un échange.
Faire passer une consigne par une gestuelle du corps, des mains, et de la voix.
L'encourager à me suivre parce que je l'appelle et justement parce qu'il sera en sécurité prés de moi,
Lui laisser le sentiment de la "fameuse zone de confort" à mes côtés qu'il recherchera par la suite. 

Du coup, ma l
onge virtuelle m'a montré comment il pouvait me faire confiance et que j'avais réussi à travailler en liberté avec lui.
Dans cette situation d'éducation de poulain, c'est un échange, parfois un affrontement, mais cela reste surtout un dialogue. Ces chevaux sont puissants et pourraient nous envoyer valdinguer sans problème et c'est là qu'est toute l'équation.
Rester en contact, en confiance pour qu'en définitive, on s'accorde, on se respecte sans cri, sans coup, tout simplement. Apprendre à monter à cheval devrait commencer par apprendre "le poulain" car 
Ils sont un miroir qui reflètent et renvoient nos émotions. Ce sont eux qui vont permettre de nous connaître, de prendre conscience de nos failles et nos peurs.

On va leur apprendre le respect de l'homme à pied, on n'est pas un copain qu'on mordille, qu'on pousse mais un référent mais aussi un collègue de jeu. Et c'est le commencement de la complicité qui permet de recevoir toute leur confiance, leur attachement, leur besoin de contact et de caresses.

   Septembre 2020

 

Neïssa a beaucoup grandi, en taille et en sagesse.


Elle est calme et ne s'impose plus comme les premières fois. Olivier lui ayant mis régulièrement le licol, elle accepte qu'on l'attrape sans difficulté.
Nous partons ensemble en direction de la carrière, avec Maman Taïsa., tenue par Olivier, et Neïssa tenue par Alain.


Le principe est toujours le même, une demande à la pouliche de nous suivre, et dès qu'elle accepte, on relâche la longe. Elle va se manifester un peu par des bonds à droite, à gauche mais elle n'est plus dans ce rapport de force qu'elle nous avait montré au tout début.

Elle suit Alain assez facilement mais parfois stoppe et tire sur la longe en indiquant son envie d'aller dans une autre direction.

 

La tension dans la longe la bloque mais dés qu'elle s'immobilise, la longe redevient souple.
Olivier fait le même exercice, avec une pouliche qui comprend rapidement la demande et évolue dans la carrière sans trop de résistance. Il s'arrête régulièrement pour la féliciter et la caresser, en se rapprochant de Maman Taïsa.

Je prends à mon tour Neïssa qui me suit, s'arrête, se cabre, me suit à nouveau. Tout se passe dans le calme.

 

Je tends, je détends dès que j'obtiens ce que je lui demande et elle me suit au final assez facilement, en mordillant sa longe. Elle s'interroge aussi et vient demander un peu de réconfort en s'approchant de moi. 


Les bases sont mises, la relation de confiance est en place et Neïssa accepte notre présence et nos demandes.

           Fevrier 2021

 

Notre travail avec Neissa continue. Nous rentrons dans le box avec Maman Taïsa pour pouvoir l'attraper plus facilement. Alain se rapproche d'elle, le licol et la longe dans une main. La pouliche navigue un peu au fond du box. Lorsqu'il lui pose la longe en travers du dos en lui parlant doucement, elle s'immobilise. Après quelques minutes, il secoue le licol  pour qu'elle sache ce que sera la prochaine étape. Elle bouge un peu les oreilles mais reste calme. Puis, il s'approche d'elle, lui passe délicatement le licol et lui demande de plonger son chanfrein dans le licol. Et hop ! Elle s'exécute : Mademoiselle est prête...
Nous commencerons le pansage dans le box, Alain est pilier d'attache, je suis au pansage. Je commence par passer ma main sur son encolure puis sur les autres parties de son corps, ce ne sont pas des caresses mais un pansage "doux", les poulains étant un peu chatouilleux... Neïssa tournera sa tête vers moi pour me sentir, et observer mes faits et gestes, elle est curieuse et intriguée. 

Elle essaiera aussi d'attraper du bout des lèvres ma manche qui se soldera par un "non !". Le pansage se fait en alternance avec la main chaque fois que Neïssa réagit au passage plus chatouilleux de la brosse. Mais elle reste calme, tranquille, et nous allons pouvoir faire la même chose en carrière.
Là, l'environnement est différent, elle sera seule, les alentours sont plus vastes et donc moins rassurants.
Nous pénétrons dans la carrière. Olivier est pilier d'attache, je suis au pansage. La pouliche doit apprendre à rester immobile, Olivier gère sa position en validant son immobilité. Je dois suivre la pouliche au plus près d'elle lorsqu'elle bouge, collée contre elle par sécurité : proche d'elle, il est plus facile de gérer ses éventuels débordements.

Le pansage commence avec la main, puis ce sera la brosse et l'étrille en plastique.

 

Je commence par ma main qui va passer sur l'encolure, je fais les mêmes gestes que ceux faits dans le box.

Le pansage va alterner entre la brosse, l'étrille et la douceur de la main. Après l'encolure, ce sera les flancs, le dos, puis la croupe.

 

Neïssa reste très calme, et lorsqu'elle avance un peu, Olivier lui parle et demande l'arrêt, tandis que je suis contre elle à hauteur de l'encolure. Lorsqu'elle bouge un peu, nous nous déplaçons tous les 3 ensemble sans brusquerie, comme un seul bloc. Le pansage sera fait des deux côtés sans problème avec une pouliche sereine.

 

Olivier brossera la crinière, puis la tête sans souci. C'est une belle séance, toute simple mais qui nous donne des informations sur l'évolution de Neïssa. Elle se pose et nous fait désormais de plus en plus confiance.

            Juin 2021

 

Le licol et la longe ont été mis à Neïssa pour sa première sortie en extérieur.
On peut s'attendre à une sortie mouvementée alors Olivier suit les conseils d'Alain : rester très attentif aux réactions de la pouliche qui stresse et réagit au moindre nouvel élément. Une bâche est posée sur le côté : elle passe en faisant un écart, en soufflant fort au petit trot mais Olivier gère...
Au bout du chemin, Alain reprend Neïssa. Tout ce que l'on fait avec elle, doit être mesuré avec délicatesse, douceur et anticipation car elle est une pouliche très réactive et puissante. Le mot d'ordre est d'être très attentif et de ne lui faire absolument pas confiance.
Alain marche en la laissant sentir, s'arrêter, ralentir si elle le souhaite. Il s'est positionné face à elle et marche à reculons afin d'anticiper d'éventuels démarrages intempestifs. Il ne lui impose aucune contrainte particulière exceptée celle de rester derrière ou a côté de lui. Elle est parfois surprise mais reste relativement calme. Une voiture arrive derrière nous. Alain fait demi tour pour qu'elle soit face à ce qu'elle ne connait pas pour l'analyser, ce sera un premier test important.
Après avoir demandé au conducteur de couper le moteur, Alain s'avance calmement vers la voiture, Neïssa le suit les oreilles pointées mais en confiance. Elle passera le long du véhicule sans problème. Le retour se fera encore plus lentement, avec calme, sans précipitation. 
Cette pouliche est étonnante, on la sent puissante, intelligente mais aussi respectueuse grâce au travail à pied fait durant les précédentes séances. Cette confiance instaurée permet de canaliser son énergie et sa force qui pourraient très facilement nous dépasser si Neïssa en avait conscience ! La suite va être intéressante...