Un témoignage sur mon approche du
cheval, voilà un exercice de style intéressant.
J’ai appris à monter à l’âge de 11 ans, passionnée par ces
animaux fascinants, par leur beauté, leur puissance, leur élégance, leur douceur.
Cet apprentissage a été classique, en reprise dans un manège de
club hippique, en vue d’acquérir les bases et la maîtrise nécessaires pour évoluer en toute sérénité.
J’ai trouvé beaucoup de plaisir dans les échanges, lors du
pansage, moments privilégiés de caresses et lors de l'apprentissage en manège. Le travail demandé était intéressant, une action, une réaction grâce aux aides qui sont nos jambes, nos mains et
notre fameuse assiette. Apprendre à monter en manège est nécessaire, car on acquiert les bases pour bien se tenir à cheval.
J’ai aimé les séances qui m’ont permis de réaliser ce bonheur de
pouvoir apprécier une sortie en extérieur, de pouvoir maîtriser cette masse de muscles qui nous donne une sensation enivrante de vitesse lors d’un galop, ou la capacité d’exécuter des figures
d’une précision millimétrée. En somme le plaisir de piloter un animal qui se plie à nos différentes demandes.
J’ai pu monter des chevaux aux caractères très différents, doux,
excités, pépères, impatients, paresseux, enjoués qui sont autant de caractères de cavaliers...
Et puis, j’ai fait la connaissance d’Alain Bellanger grâce à une
amie éleveuse, une amoureuse des Frisons, ces belles créatures noires, d’une douceur qui n’a d’équivalence que leur puissance et leur élégance. J’ai découvert grâce à lui, son approche des
chevaux qui est un chapitre que j’ignorais, et qu’on n’a jamais pris le temps de développer lors de ma rencontre avec le monde équestre : l'éducation à pied.
Cet échange se passe les yeux dans les yeux et permet de se
connaître, de gérer les réactions de l'un et de l'autre "en live", et donne une perception de l'analyse que fait un cheval, presque d'égal à égal.
J’ai eu la chance de travailler plusieurs poulains, travail qui se fait bien évidement seulement à pied, en corps à corps les premiers mois, puis à l’aide d’une longe et d’un stick et pour finir … ô grand bonheur, par le travail en liberté, sans longe, seulement nous deux.
J'ai marché avec eux, en rond de longe, en carrière, sur la
route, sur des chemins. J'ai découvert une autre relation, plus proche et plus instructive pour nous deux. Ce sont ces moments là qui nous ont appris à nous connaître
véritablement.
De ces moments privilégiés, j'ai retenu plusieurs points qui
n'engagent que moi, je n'ai pas la prétention de parler pour les autres mais j'ai surtout appris.
J’ai appris qu’un cheval est respectueux dès lors que sa place a
été définie de façon claire, et sans équivoque.
J’ai appris la lenteur, rien ne se fait dans la précipitation,
« qui maîtrise le lent, maîtrise le rapide ! ». L’apprentissage se fait, si et seulement si, l'étape précédente a été acquise, intégrée. Si tel n’est pas le cas, le retour sur
l’exercice est là pour le reprendre et le valider.
Ce peut être un poulain qui a été surpris lors d’une nouvelle
mise du licol et qui n’accepte plus qu’on l’attrape dans le parc, un pansage qui devient plus speed parce que les autres chevaux se sont éloignés. On reprend pour avoir l’attention et le respect
demandés.
Le tout premier travail a commencé par la longe qui crée le
couple et le début de l’éducation, de l’échange pour aller vers la confiance. Tout ce travail passe par une seule et même base : on débute par une légère tension, pour détendre dans la
foulée, tension de la longe pour une invitation à me suivre, pour détendre dès que la demande est comprise et mise en pratique. Et c’est ainsi que l’on crée cette fameuse longe qui deviendra
virtuelle au fil du temps, pour finir par disparaître complètement lors du travail en liberté.
J’ai réalisé qu’on avait la possibilité d’avoir un vrai dialogue,
avec son corps, sa voix, sa posture car tout ce qui se passe visuellement envoie un message. On ne peut rien cacher, sa peur, son appréhension, ses doutes, tout est transcrit et transpire dans
notre attitude. Mon envie de faire va lui donner envie de faire. Et là, commence le vrai travail sur soi.
J’ai appris à respirer, à me détendre face à un poulain de
quelques mois qui me regarde avec des yeux tout ronds lorsque je viens vers lui pour lui passer un licol…. Et le lui enlever quelques secondes plus tard, pour le lui remettre juste après. Ma
respiration va donner au poulain des indications quant à la signification de mon état psychologique, détente égal sérénité, stress égal tension.
J’ai appris à ne pas parler pour ne rien dire ; on félicite
lorsque la demande a été satisfaite, on se tait lorsque ce n’est pas réussi. Pas d'éclat de voix : si l'exercice n'a pas été compris, c'est qu'il a été mal demandé, et c'est moi la responsable.
Alors à partir de là, on peut travailler sereinement.
J’ai appris qu’un cheval est un être avec qui on crée un échange,
et comme dans tout échange, on se regarde, on se parle, on se sourit. Etre en face l'un de l'autre n'est pas une menace mais un dialogue.
J’ai appris que devenir son référent est une responsabilité
importante car ce lien va perdurer. Je vais être là pour lui, pour le rassurer, pour l’encourager et le protéger des situations inconnues. C’est de ce moment que la vraie relation de confiance
s’installera, et qu’il faudra travailler sérieusement pour ne pas la décevoir.
J’ai appris qu'un cheval est capable de pardonner nos errements,
et même assez doué pour nous amener à rectifier nos erreurs.
J’ai appris à être humble car c’est lui qui m’a fait avancer dans
mes incertitudes, c’est lui qui m’a obligée à faire du mieux que je pouvais, à avoir des demandes claires pour que lui, puissent les satisfaire. J’ai réellement vu dans ses yeux une question
« que veux-tu de moi ? » suivie, lorsque l'exercice s'est terminé, par une demande d’être rassuré en venant se rapprocher et m'effleurer pour me dire « c’est bien ce que je
fais ? »
J'ai appris que j'étais capable de faire ce que faisait Alain Bellanger, avec un peu plus de temps, un peu moins d’élégance et de maîtrise, même si j’en doutais fortement quelques minutes auparavant.
J'ai compris que la relation à pied devrait être le premier
contact avec une cheval, avant même de lui demander d'être une monture. Cette relation met en place la base de la relation du couple cavalier-cheval, c'est elle qui va permettre à chacun de
comprendre l'autre, d'avoir confiance en l'autre et de pouvoir travailler en toute sérénité.
En somme, j’ai appris le vrai « parler cheval ».